Manger et boire

(20e dimanche du Temps ordinaire : Proverbes 9, 1-6 ; Ephésiens 5, 15-20 ; Jean 6, 51-58) 

Comme il advient souvent, il y a un thème commun entre la première lecture et l’Evangile. La Sagesse dit, « Venez, mangez de mon pain, buvez le vin que j’ai préparé. » Jésus dit, « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle. »

Aujourd’hui, ces textes ne nous sembleraient pas très différents. Les paroles de Jésus ne nous étonnent pas comme elles étonnèrent les gens auxquels il s’adressait ce jour-là à Capharnaüm. La foule n’aurait pu comprendre le sens sacramentel de ce discours. Leur réaction d’horreur faisait parfaitement sens.

Dans le message de la Salette il y aussi de quoi se troubler : le bras de mon fils… il viendra une grande famine… les enfants mourront… je vous ai fait voir. Encore aujourd’hui plusieurs théologiens questionnent certains éléments du message.

Mélanie et Maximin, par contre, une fois rassurés par l’invitation de Marie de se rapprocher, ne semblent pas troublés par les sections du discours prononcées dans leur patois. Au contraire, on leur attribue souvent la phrase : « Nous buvions ses paroles. »

C’est un peu comme la référence de st Paul à l’acte de boire : « Ne vous enivrez pas de vin… soyez plutôt remplis de l’Esprit Saint. » J’ose croire que les enfants buvaient de l’Esprit en même temps que les paroles de Marie.

Dans le Sermon de la montagne Jésus dit, « Ne dites pas : “Qu’allons-nous manger ?” ou bien : “Qu’allons-nous boire ?” ou encore : “Avec quoi nous habiller ?”… Votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. »

Cette attitude requiert une vraie foi quand on se voit menacé par la famine.

Cela dit, pour les chrétiens catholiques, chercher le royaume de Dieu s’entremêle à l’acte de manger et de boire. Ce qui nous ramène à l’Eucharistie. Nous lisons aujourd’hui dans l’Evangile de Jean, « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. »

La Belle Dame veut que son peuple ait la vie. Ses paroles que nous buvons nous rappellent la vie que son Fils nous offre dans la sainte Communion.

Traduction : P. Paul Belhumeur, M.S.

Nourriture pour le voyage

(19e dimanche du Temps ordinaire : 1 Rois 12, 4-8 ; Ephésiens 4, 30—5, 2 ; Jean 6, 41-51)

Le Sacrement des malades s’appelait autrefois l’Extrême onction. Aujourd’hui les catholiques comprennent que ce sacrement a en vue la guérison plutôt que la mort. Cependant, il y a des rites particuliers quand la mort est à la porte.

Parmi ces rites on a le Viatique. A l’origine le mot latin signifiait les provisions (argent, nourriture, etc.) pour un voyage. Dans l’Eglise, le mot se réfère à la sainte Communion portée à un mourant. Le Catéchisme de l’Eglise catholique en parle ainsi : « Reçue à ce moment de passage vers le Père, la Communion au Corps et au Sang du Christ a une signification et une importance particulières. Elle est semence de vie éternelle et puissance de résurrection, selon les paroles du Seigneur : Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et moi, je le ressusciterai au dernier jour. »

Quand Elie dans son découragement désirait mourir, Dieu lui a fourni une nourriture pour son voyage, pour le fortifier et l’aider à continuer sa mission prophétique.

Le message de Notre Dame de la Salette s’adresse à ‘son peuple’ qui, entre autres choses, ne faisait pas cas de l’Eucharistie. Non seulement l’Eglise en général avait souffert les persécutions de la Révolution française mais, même avant cela, la culture française était profondément affectée par l’anticléricalisme du Siècle des lumières.

Dans ce contexte, « Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ! » aurait rencontré peu d’écho. On dirait que seulement « quelque femmes un peu âgées » prenaient cette parole au sérieux.

Et pourtant, il y a dans l’attitude et le message de la Belle Dame quelque chose qui touche même les cœurs endurcis. Le papa de Maximin, d’abord opposé à l’Apparition, vint à comprendre la tendresse de Dieu et, dans la suite, assistait à la messe tous les jours. Sa conversion fut occasionnée par un épisode dans sa vie où figurait du pain ; Marie l’avait rappelé à Maximin.

St Paul écrit : « N’attristez pas le Saint Esprit de Dieu, qui vous a marqués de son sceau. » Sans doute la pratique de la foi rencontre toujours des défis, et cela surtout vis-à-vis des cultures sécularisées.

Alors nous avons tous besoin de la nourriture du Christ pour notre voyage. Elle n’est pas que pour les mourants ; elle nous donne la force de continuer sur notre chemin.

Traduction : P. Paul Belhumeur, M.S.

Le néant de leur pensée

(18e dimanche du Temps ordinaire : Exode 16, 2-15 ; Ephésiens 4, 17-24 ; Jean 6, 24-35)

St Paul écrit que les Gentils « se laissent guider par le néant de leur pensée. » Ses lecteurs, les chrétiens d’Ephèse, avaient vécu aussi de cette façon, mais ne le devraient plus. Il n’explique pas la parole, mais il l’associe à ceux que sont « corrompus par les convoitises. »

La première lecture mentionne les convoitises. « Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! » Il n’y a pas de faute que ceux qui ont faim désirent manger, mais le mal provient de leur manque de confiance, de leur ingratitude, de leur accusation contre Moïse.

Dieu les avait sauvés, à main forte et à bras étendu, de leurs oppresseurs et pourtant ils manquaient de confiance en lui. Malgré cela, il les sauva de nouveau. Dans le chapitre suivant du livre d’Exode, le peuple retombe dans le néant de leur pensée, se plaignant que Moïse les délivra d’Egypte pour les laisser mourir de soif.

En écoutant le discours de Notre Dame de la Salette on a l’impression qu’elle adresse une situation semblable. Son peuple se trouve dans une espèce de néant de leur pensée, blâmant Dieu pour leurs troubles. Comme st Paul le dit ailleurs (Romains 1, 21) : « malgré leur connaissance de Dieu, ils ne lui ont pas rendu la gloire et l’action de grâce que l’on doit à Dieu. Ils se sont laissé aller à des raisonnements sans valeur, et les ténèbres ont rempli leurs cœurs privés d’intelligence. »

Dans l’Evangile Jésus voit bien le néant de la pensée de ceux qui ont vu le miracle des pains. Ce n’est pas leur foi qui les pousse à le chercher, mais parce qu’ils désiraient être nourris de nouveau. Il leur dit de travailler pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle. L’œuvre dans ce cas c’est la foi : croire en celui que Dieu a envoyé. Ensuite il se proclame le pain de la vie.

Dans les semaines qui suivent nous aurons occasion de réfléchir plus profondément là-dessus. Pour le moment retenons l’importance de cette ‘œuvre’ de la foi.

A la Salette la Vierge parle beaucoup de la pratique religieuse. Ce n’est pas que cela équivaut à la foi, mais que l’absence de la pratique démontre un certain manque de foi. Sans ce lien vital avec le Seigneur, même la religion peut devenir seulement le néant de la pensée.

Traduction : P. Paul Belhumeur, M.S.

Saisi de compassion

(16e dimanche du Temps ordinaire : Jérémie 23, 1-6 ; Ephésiens 2, 13-18 ; Marc 6m 30-34)

La parole ‘pasteurs’ selon l’usage de l’Eglise se réfère aux prêtres, et le mot de Jérémie, « malheur à vous, pasteurs, » nous fais sans doute penser aux scandales qui bousculent encore l’Eglise. Mais dans l’Ancien Testament il s’agit plutôt des chefs de la nation, et ce sont eux que Jérémie condamne.

Dieu promet à ses brebis : « Je susciterai pour elles des pasteurs qui les conduiront ; » il leur donnera un chef « qui régnera en vrai roi, et agira avec intelligence. » L’on peut facilement voir cette prophétie accomplie en Jésus, qui « fut saisi de compassion envers la foule. »

Plusieurs siècles après, le cœur d’une Belle Dame fut saisi de pitié pour son peuple. Et à la suite de Jésus, elle « les enseignait longuement. »

St Paul écrit : « Dans le Christ Jésus, vous qui autrefois étiez loin, vous êtes devenus proches par le sang du Christ. » Dans son message, Notre Dame de la Salette renverse cette parole. Son peuple qui s’était autrefois approché, s’était maintenant éloigné de son Fils.

Simplement en parlant de son Fils, « qui est notre paix, » elle est venue, comme lui, « annoncer la bonne nouvelle de la paix. » De même que St Paul ne semble trouver de moyens suffisants pour nous dire comment Jésus a établi la réconciliation entre chrétiens juifs et gentils, de même Marie trouve une abondance de façons pour démontrer le besoin de réconciliation chez son peuple. Elle leur montre comment ils pourraient trouver cette réconciliation, à savoir : en honorant le Nom du Seigneur, en respectant le Jour du Seigneur, en le rencontrant dans la prière, en participant à la Messe.

Ce sont là les expressions de confiance que l’on voit exprimée dans le Psaume d’aujourd’hui. Le Dieu qui prépare une table pour nous est le même Dieu qui a vu le père anxieux de Maximin lui donner un morceau de pain. C’est le Dieu de miséricorde qui fera de sorte que grâce et bonheur nous accompagnent tous les jours de notre vie.

Au lieu de souffrir la famine, ceux qui accueillent le message de Marie ne manqueront de rien. Au lieu d’être des brebis sans pasteur, ils seront conduits par le juste chemin, ils revivront, ils ne craindront aucun mal. Il ne s’agit pas de rêve ; c’est une vision prophétique.

La compassion n’est pas qu’un sentiment ; elle mène à l’action. Jésus a enseigné ceux qui cherchaient leur espoir en lui. Marie est venue renouveler cet espoir. Regardez autour de vous. Pour qui avez-vous pitié ? Qu’en ferez-vous ?

Traduction : P. Paul Belhumeur, M.S.

La force dans la faiblesse
(14e dimanche du Temps ordinaire : Ezékiel 2, 2-5 ; 2 Corinthiens 12, 7-10 ; Marc 6, 1-6)
Souvent nos larmes nous semblent signe de faiblesse, ou de vulnérabilité. Nous les combattons, les retenant si possible. Dans plusieurs cultures, il est extrêmement rare de voir des adultes pleurer en présence d’autres, et seulement un malheur grave ou une peine intense peut occasionner cela.
A la Salette, la Sainte Vierge se présente en pleurs. Mais loin d’être signe de faiblesse, elles constituent un des points forts de l’Apparition, elles nous attirent.
Dans la présence de quelqu’un en pleurs, la tendance est de vouloir conforter, consoler. Mais Marie a dit : « Vous aurez beau prier, beau faire, jamais vous ne pourrez récompenser la peine que j’ai prise pour vous autres. » En face de telles paroles on se sent bien impuissant.
Mais st Paul nous encourage quand il écrit, « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » Dans l’idée de la faiblesse il comprend « les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes, » telles que Jésus a dû confronter même dans sa visite chez lui, et auxquelles Ezékiel devait s’attendre en tant que prophète.
C’est dans ce contexte que st Paul cite les paroles du Seigneur à son égard : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » En d’autres mots, la source de notre puissance ne réside pas, ne peut résider en nous-mêmes.
Quand la Belle Dame nous appelle à la conversion, elle signale la prière et la Messe parce que ce sont là les meilleurs moyens d’obtenir du Seigneur la force qui ne peut venir que de lui—la force d’effectuer les changements nécessaires dans notre vie et d’accepter le rejet qui peut s’ensuivre. Si nous comptons seulement sur nos propres efforts, ce sera la faillite.
Le plus difficile pour nous est de baisser les bras. Il ne s’agit pas d’abandonner l’espoir, mais de reconnaître combien nous sommes impuissants. C’est pénible cela. Ça peut nous émouvoir jusqu’aux larmes.
Dans le confessional aux sanctuaires de Notre Dame de la Salette on rencontre souvent des pénitents qui pleure en confessant leurs luttes contre le péché. Ils s’excusent de leurs larmes, mais l’un de nos prêtres a appris à leur dire, « Vous êtes à la Salette. Les larmes ont leur place ici. »
Traduction : P. Paul Belhumeur, M.S.

Mort, Foi, Vie
(13e dimanche du Temps ordinaire : Sagesse 1, 13-15 & 2, 23-24 ; 2 Corinthiens 8, 7-15 ; Marc 5, 21-43)
Le Livre de la Sagesse considère la mort un évènement malheureux de la vie. Notre Dame de la Salette entrevoit, en pleurant, la mort d’enfants « entre les mains des personnes qui les tiendront. » Nous comprenons instinctivement, nous aussi, qu’il devrait en être autrement.
Dans l’Evangile d’aujourd’hui deux personnes, en besoin urgent, s’approchent de Jésus. Jaïre désire désespérément sauver sa fille de la mort. Une femme dans la foule, malade depuis douze ans, désire avoir une vie normale. Ils viennent à Jésus en croyant à son pouvoir de guérir.
Mais leur réaction, une fois le miracle obtenu, n’est pas celle qu’on aurait prévue. La femme cherche à disparaître dans la foule, puis elle se sent obligée de venir à Jésus, « saisie de crainte et toute tremblante, pour lui dire toute la vérité, » comme si elle se sent coupable. Plus tard, quand Jésus ressuscite la jeune fille de douze ans, ses parents et les trois disciples sr la scène sont « frappés d’une grande stupeur, » comme s’ils ne l’auraient pas cru possible.
Est-ce que cela démontre une foi insincère ? Pas du tout. Leur foi était réelle, mais peut-être qu’ils « espéraient contre toute espérance » (v. Romains 4 :18), comme Abraham, modèle de la foi. C’est pourquoi Jésus encourage Jaïre : « Ne crains pas, crois seulement. »
En énumérant les malheurs de son peuple, la Belle Dame pleurait aussi pour leur façon de répondre à leurs souffrances. Loin de se tourner vers Dieu dans la foi, ils abandonnaient l’espoir. Au lieu de prier Dieu, ils le blasphémaient.
Les larmes de Marie rappellent les paroles de La Sagesse : « Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. » Il en est de même dans Ezékiel 33, 11 : « Je ne prends pas plaisir à la mort du méchant, mais bien plutôt à ce qu’il se détourne de sa conduite et qu’il vive. »
Elle voulait faire comprendre à son peuple que « la colère de Dieu ne dure qu’un instant, sa bonté toute la vie, » comme nous lisons dans la Psaume d’aujourd’hui.
Disposé à la bonté de Dieu, surtout durant les moments difficiles, on peut retrouver la vie et chanter avec le psalmiste (ainsi que la femme malade et Jaïre), « Tu as change mon deuil en une danse, que sans fin, Seigneur, mon Dieu, je te rende grâce ! »
Traduction : P. Paul Belhumeur, M.S.

Appelés dès la naissance
(Naissance de Jean Baptiste : Isaïe 49, 1-6 ; Actes 13, 22-26 ; Luc 1, 57-66, 80)
Les voisins et la famille d’Elisabeth se demandaient ce que deviendrait son enfant. Nous connaissons maintenant son histoire. Son rôle : marcher devant, à la face du Seigneur, et préparer ses chemins. Il se rendait bien compte qu’il n’en était pas digne. Il semble même avoir eu pour un moment le sentiment du Serviteur du Seigneur chez Isaïe : « Et moi, je disais : Je me suis fatigué pour rien, c’est en pure perte que j’ai usé mes forces. »
Mélanie Mathieu et Maximin Giraud furent, disons-le, appelés dès la naissance à annoncer l’évènement de la Salette. La vie des deux, plus tard, a été plutôt instable, en partie parce que ceux qui les entouraient pensaient qu’ils étaient destinés à une vocation ecclésiastique. Ils s’y essayèrent bien volontiers, mais sans succès pour ni l’un ni l’autre.
D’après les descriptions contemporaines, Maximin aurait pu être ce qu’on appelle aujourd’hui autiste, incapable de rester tranquille. Il n’a jamais trouvé sa place dans aucune des occupations qu’il a poursuivies, et s’est souvent trouvé criblé de dettes. Il est mort en 1875, âgé seulement de 40 ans.
Mélanie au début était excessivement taciturne et timide, mais avec le passage des années, un changement extraordinaire « a bouleversé les rapports entre Mélanie et l’apparition du 19 septembre 1846 : c’est la voyante qui est devenu le personnage central, tandis que le fait de la Salette vient occuper une modeste place parmi de nombreux autres phénomènes extraordinaires. » (Jean Stern, m.s.)
Mon but ici n’est pas d’insister sur l’indignité de Mélanie et de Maximin. Cela va sans dire. Comme Jean Baptiste, sans mérite personnel ils ont été choisis par la grâce de Dieu dans son plan divin.
Oui, Dieu nous appelle à la sainteté. Cela ne change pas ce que nous sommes. De fait, les défauts des enfants rendaient leur récit plus croyable. Ignorants qu’ils étaient, ils n’auraient pu inventer une telle histoire, encore moins un tel message, et dans une langue qu’ils connaissaient à peine. Mais leur simplicité, leur humilité et leur fidélité à raconter le fait les rendaient d’autant plus dignes de foi.
Personne n’aurait réussi à prédire comment seraient leurs vies après l’apparition. Nous connaissons maintenant leur histoire. Essentiellement nous y voyons une rencontre avec le divin, à laquelle Dieu les avait destinés et, malgré leurs défauts, une fidélité à la mission reçue. Les témoins de la Belle Dame nous sont, à tous et chacun, d’excellents modèles.
Traduction : P. Paul Belhumeur, M.S.

L'œuvre de Dieu
(Onzième dimanche du temps ordinaire: Ézéchiel 17, 22-24 ; 2 Corinthiens 5, 6-10 ; Marc 4, 26-34)
L'épouse d'un cultivateur m'a dit une fois que la seule forme légale de jeu de hasard dans son Etat d’Iowa était l'agriculture. Jésus, de sa part, présente l'agriculture comme un acte de foi. La graine est plantée et se transforme mystérieusement selon le plan du créateur pour produire des fruits et fournir de l'ombre. C'est l'œuvre de Dieu. Tel est le Royaume de Dieu.
Les communautés autour de La Salette en 1846 comprenaient bien cela. L'agriculture était leur vie, et d’autant plus risquée après les désastreuses récoltes des deux denrées de base: le blé et les pommes de terre.
«Si vous avez du blé, disait Marie à La Salette, il ne faut pas le semer. Tout ce que vous sèmerez la vermine mangera, et tout ce qui poussera tombera en poussière quand on le battra. » Les professeurs du grand séminaire de Grenoble, écrivant à l'évêque en décembre 1846, trouvèrent cela troublant. "Cette recommandation semble suspecte, contrairement aux règles de la prudence et aux lois du Créateur ... A-t-elle vraiment interdit de semer?"
La presse laïque a déclaré qu'une telle idée était un abus de l'autorité ecclésiastique pour terrifier la partie de la population la ‘moins éclairée’.
En effet, hors de contexte, les paroles de la Vierge semblent presque cruelles. Mais nous devons considérer l'ensemble de l'Apparition et du message.
Voyez la deuxième lecture. St Paul écrit, « Il nous faudra tous apparaître à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun soit rétribué selon ce qu’il a fait, soit en bien soit en mal, pendant qu’il était dans son corps ». Ce n'est pas un mot populaire. Mais c'est un rappel à considérer notre mode de vie. Saint Paul renforce ainsi ce qu'il a dit auparavant: « Nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision. »
Dieu dit par le prophète Ézéchiel,qu'il plantera sur une haute montagne d'Israël un cèdre majestueux qui portera ses fruits et abritera les oiseaux. Il restaurera la gloire d'Israël et en fera à nouveau un peuple fidèle. « Je suis le Seigneur, j’ai parlé, et je le ferai. »
Les paroles de Marie sont dans la même tradition prophétique. Nous pouvons en effet être fidèles, nous pouvons marcher par la foi, si nous vivons dans l’obéissance de la foi (voir aussi Hébreux 11). Le reste (les semailles, la croissance, le fruit), c’est l'œuvre de Dieu.
Traduction : Paul Dion

Frère, Sœur, Mère
(Genèse 3, 9-15 ; 2 Corinthiens 4, 13—15, 1 ; Marc 3, 20-35)
Nous avons un Évangile étrange aujourd'hui. Les gens de chez Jésus pensaient qu'il avait perdu la tête. Les scribes opinaient qu'il était possédé. Jésus répondit avec un mystérieux dicton sur le blasphème contre le Saint-Esprit. Puis ses proches sont arrivés pour ‘se saisir de lui,’—accompagné de sa mère !
C'est le contexte dans lequel Jésus lance un dicton apparemment dédaigneux à propos de sa mère : « Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ? »
La réponse à cette question fait écho au récit de l'Annonciation chez St Luc où Marie dit : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » Quiconque fait la volonté de Dieu est le frère, la sœur, la mère de Jésus. C'est donc une louange de la part de Jésus.
Notre lecture de la Genèse concorde également avec cette idée. Dès 100 AD, les auteurs de l'Église commencèrent à comparer Ève et Marie, notant les fruits de la désobéissance de l'un et de l'obéissance de l'autre. Comme Jésus était le nouvel Adam, ils voyaient Marie comme la nouvelle Ève. Ceci est équivalent à Romains 5, 12-19, où Saint Paul tire le contraste entre Adam et Jésus.
Quand Marie à La Salette appelle son peuple à se soumettre, elle nous invite à être comme elle. C'est par son humble soumission qu'elle a reçu le privilège d'être la mère du Sauveur. Ne pouvons-nous pas nous humilier devant le Seigneur, confiants dans sa grâce et sa faveur ? Ne pouvons-nous pas accepter les souffrances que nous éprouvons dans ‘cette tente qui est notre demeure sur la terre,’ en espérant ‘un édifice construit par Dieu, une demeure éternelle dans les cieux qui n’est pas l’œuvre des hommes.’ ?
Mais il y a plus ici que la question de la soumission et de l'acceptation. Jésus appelle « frère, sœur et mère » ceux qui font la volonté de Dieu, qui est son Père, « de qui toute paternité au ciel et sur la terre tient son nom », comme l'écrit saint Paul dans Éphésiens 3, 15.
Dieu désire une relation avec nous. La Belle Dame pleure parce que son peuple n'a pas répondu, n'a pas reconnu ni désiré l’immense joie que suscite l'intimité avec Dieu.
Les mystiques et les saints ont trouvé les mots pour exprimer cette expérience, mais elle reste accessible à tous ceux qui font la volonté de Dieu. Jésus nous a donné sa parole.
Traduction : Paul Dion

L’Alliance
(Le Saint Sacrement : Exode 24, 3-8 ; Hébreux 9, 11-15 ; Marc 14, 12-26)
Deux mots ressortent des lectures d’aujourd’hui : sang et alliance.
Une alliance est un accord ou un traité dans lequel les droits et responsabilités des parties sont clairement énoncés. En cela elle ressemble un contrat, un arrangement commercial, un traité.
Mais c'est bien plus qu'un contrat, précisément parce que, dans la Bible au moins, il s'agit avant tout d'une relation. Le peuple d'Israël a compris ce que cela impliquait et a dit : « Toutes ces paroles que le Seigneur a dites, nous les mettrons en pratique. » Leur relation avec le Dieu qui les avait délivrés de l'esclavage représentait tout pour eux.
L'alliance entre Dieu et Israël se résume dans les mots : « Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple. »
‘Mon peuple’ : ces mots se retrouvent une fois au début et deux fois à la fin du discours de la Vierge de La Salette. Elle s'exprime ainsi parce qu'elle a une place particulière dans l'alliance qui lui avait été assignée au pied de la croix. Le peuple pour qui son Fils a versé son sang est aussi son peuple.
Le sang de l'alliance de Jésus, comme nous le rappelle la lettre aux Hébreux, est plus efficace que le sang de tout sacrifice prescrit que ce soit, du sang d'animaux. Il est versé ‘pour la multitude’, pour les personnes sans nombre qui viendront à trouver en lui le salut, et célébrer ce don dans l'Eucharistie.
« L’été, il ne va que quelques femmes un peu âgées à la messe. Les autres travail¬lent le dimanche, tout l'été. » À un certain moment de son histoire, son peuple a cessé d'apprécier le sacrement du Corps et du Sang du Christ. Au lieu d'être le signe de l’Alliance, la Messe était devenue une obligation non désirée, un fardeau à rejeter. On ne célébrait plus le don.
Ceux qui croient que Marie n'est venue à La Salette que pour exiger l'obéissance aux obligations, n’ont rien compris. Son message vise à rétablir une conscience de l'alliance entre son Fils et son peuple, et une appréciation de l'immense valeur de cette relation.
Prenant ses mots à cœur, nous pouvons prier avec le psalmiste, « Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu'il m'a fait ? »

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