Premier Rassemblement Européen des Laïcs Associés
Du 10 au 12 septembre 2010
Comment vivre et témoigner du message de La Salette dans notre vie, chacun dans sa Province.
P. Isidro Augusto Perin, MS
 
Introduction: Le titre qui été par la coordination, m'a laissé dans l'étonnement du choix et dans l'embarras pour composer cet exposé. Vivre quoi et comment? Témoigner quoi et comment? Vivre et témoigner où et comment, si nous voulons donner les justes valeurs à nos différences culturelles? Suite à plusieurs journées de réflexion, je me suis permis de vous proposer cet partage à partir de l'expression très salettine: « la Belle Dame ». Cette qualification nous introduit dans des valeurs comme la « beauté », la « bonté » et la « vérité ». Voilà donc des valeurs très ancrées dans le message de La Salette qui pourront nourrir notre vie et authentifier notre témoignage là où nous vivons.
Cette exchange aura quatre sections:
1)- La beauté, la bonté et la vérité: Que mettons-nous sous ces vocables?
2)- Relecture du Message de La Salette à partir de la beauté, de la bonté et de la vérité.
3)- La beauté, la bonté et la vérité, signes d'espérance
4)- Quelques conclusions.
Mon exposé donc ne prétend autre qu'identifier des valeurs à vivre et à témoigner à partir du message de La Salette en tant que salettins, religieux ou laïcs. Celui-ci est composé en quatre unités, avec une question pour chaque unité; ce qui permettra d'étudier ce texte, en petits groups, en quatre réunions consécutives, avec des laïcs associés de votre province, soit pour l'enrichir soit pour l'adapter à la réalité de votre pays et de votre culture.
 
1)- LA BEAUTÉ, LA BONTÉ ET LA VÉRITÉ: que mettons-nous sous ces vocables?
Les pèlerins qui fréquentent ce sanctuaire et les lecteurs de la littérature salettine s'étonnent par des expressions souvent répétées: « la Belle Dame, la beauté, du site, la fraîcheur et la lourdeur du message, la luminosité du crucifix, l'émerveillement de Maximin et Mélanie devant l'expérience qu'ils vivaient le 19 septembre 1846... ». On se rend compte que l'homme moderne a faim des actions lumineuses dans sa recherche pour faire la vérité sur sa vie, sur son rapport au monde, aux autres et à Dieu. Il est temps donc d'exprimer de Divin qui est en nous par l'expression et la recherche de la « Beauté », de la « Bonté » et de la « vérité ». Il est beau tout ce qui contribue à l'évolution raisonnable de l'humanité; est bon celui qui se bat de tout son cœur pour le respect de la dynamique de la création, pour la paix dans le monde, pour l'œcuménisme, pour le dialogue inter culturel et inter religieux...; est vrai celui qui identifie les signes de l'action divine multiforme dans toute création et ouvre une fenêtre vers l'avenir définitif d'humanité.
En nous élevant, nous transformons le monde pour qu'il révèle sa beauté; en nous aimant, nous guérissons et réconcilions le monde pour qu'il manifeste sa bonté; en nous reliant avec les autres nous serons des témoins de la vérité de tout être humain appelé à vivre en communion à l'image et à la ressemblance de la Trinité. Vouloir activement le Bien de tous sur la terre est Beauté, tendre la main à un enfant du monde est beauté, s'émerveiller du don de la nature dans une pensée de gratitude est beauté. Se laisser émerveiller par la Beauté du cœur humain et par la beauté en toute chose est notre premier devoir pour que se tisse solidement le futur de l'humanité. «La voie de la beauté nous aide à découvrir la signification de la sainteté et nous permet de nous laisser enchanter par celle-ci pour qu'elle puisse être parlante au monde qui est le nôtre. Vivre «dans le monde sans être du monde », pour l'amour de Dieu est la signification plus profonde de la sainteté selon la Bible » (1). La beauté donc est unité, car elle signifie union avec Dieu. La beauté est aspiration à la parousie car elle permet de nous accrocher à Celui par lequel nous avons été créés.
Notre temps est marqué par des idéologies et des utopies fortement rationalistes et matérialistes dont la beauté a été éliminée, exilée, réduite à bagatelle parce qui elle n'ajoute rien aux valeurs économiques et financières. Elle a été anéantie au nom de l'économie à grande échelle. Urs von Balthazar, en prenant conscience du dégât que cette conception aurait causé à la vie chrétienne et à la sainteté, a voulu reprendre le thème de la beauté et de sa signification dans le contexte moderne: « Dans un monde sans beauté... le beau pareillement a perdu sa force d'attraction... Dans un monde qui se considère incapable d'affermir la beauté, les arguments en faveur de la vérité n'ont plus raison d'être » (2).
La théologie, après un temps d'éloignement et d'embarras reprend la réflexion sur le thème du mystère de la beauté. Souvent la beauté à été réduite à la sphère de l'émotion, du subjectivisme et de l'arbitraire... Par contre, la beauté est une voie privilégiée pour identifier, dans le temps, la plénitude du sens de l'existence humaine qui nous incite à céder ou à succomber à la misère, à la pauvreté, à l'incommunicabilité, à la division, à la guerre, au fatalisme... Il ne s'agit pas d'une intuition facile, édifiante et consolatrice... au contraire, la beauté est une invitation à l'immersion radicale dans l'histoire du salut, le mystère qui, partant de la fragilité du présent, nous ouvre à une perspective eschatologique. La beauté est une fascinante image du monde définitif à venir.
De quelle beauté parle-t-on? Sans doute, de la beauté ascétique et spirituelle du message de Marie à La Salette. Le but est de susciter l'émerveillement et la gratitude car nous y identifions la sagesse de l'éternelle beauté de Dieu. La beauté comme un parcours ascétique et spirituel qui nous achemine vers la recherche du sens dans un monde qui a anéanti tous les points de repères. Est-ce que ne serions-nous pas, en tant que MS, MSF, SNDS avec les laïcs associés, appelés à rechercher et à promouvoir cette beauté dont parle Pavel Florenskij, « La vérité manifestée est amour. L'amour accompli est beauté. C'est digne, juste et bon de laisser que l'amour de Dieu envahisse tout notre être pour qu'il y soit une présence toujours transformatrice ».
1ère question: Comment vivons-nous ces valeurs et comment les témoignons-nous?
 
2) - RELECTURE DU MESSAGE DE LA SALETTE A PARTIR DE LA BEAUTÉ, DE LA BONTÉ ET DE LA VERITÉ:
2.1)- Le caractère maternel avec lequel Marie se présente dans la détresse d'un peuple:
La Salette est un village perdu dans la chaîne des Alpes... Vers la moitié du XIX siècle ce lieu était méconnu du monde de l'époque, néanmoins dans ces douze villages avoisinants vivaient environ six cents personnes. Celles-ci, appauvries par des épidémies et par de faibles récoltes, ignoraient tout ce que se passait au delà de cette montagne...
Est-ce qu'on peut s'attendre à identifier des signes de la beauté, de la bonté et de la vérité dans ce lieu perdu, habité en grande partie par des malheureux? Rien d'étonnant si jadis on disait: « De Nazareth? Qu'est-ce qui peut en sortir de bon?
Voilà que le 19 septembre 1846, deux bergers, Maximin et Mélanie, respectivement à l'âge de 11 et 14 ans témoignent d'avoir vu un globe de feu qui tournait sur lui-même « comme si le soleil aurait tombé là ». Au centre de cette éblouissante clarté une femme y apparaît, assise, la tête dans les mains, les coudes sur les genoux, une croix sur la poitrine d'où émanait une forte lumière qui enveloppait tous les trois. Elle leur confie un message et, ensuite, elle marche vers le petit sommet et, en s 'élevant, elle « se fond dans la lumière ».
Les premiers mots de Marie disent sa vocation de mère: « Avancez, mes enfants, n'ayez pas peur, je suis ici pour vous conter une grande nouvelle ». Marie poursuit la mission qu'elle a reçue de son Fils au pied de la croix: « Femme, voici ton fils... Voici ta mère... et à partir de ce moment le disciple la reçut chez lui »(4). Les enfants pensaient d'avoir rencontré une « maman que ses enfants auraient battue et qui se serait ensauvée dans la montagne pour pleurer ». Seulement après l'assomption de la BELLE-DAME, Mélanie s'est exclamé: « C'était, peut-être, une grande sainte » et Maximin ajouta: « Si nous l'avions su, nous lui aurions dit de nous mener avec elle ». Faute de culture, les enfants non pas réussi à saisir l'identité de la Belle-Dame. Quelques heures plus tard, la mère Caron, après avoir entendu la narration des bergers, dévoilera l'identité de la BELLE-DAME: « C'est la sainte Vierge que ces enfants ont vue, car il n'y a qu'elle au ciel dont le Fils gouverne ».
Le message de Marie contraste avec la pratique pastorale de l'époque, laquelle souvent, présentait l'image d'un Dieu exigeant, toujours prêt à condamner, et appelant à des œuvres de réparation destinées à l'apaiser. En vrai, les premiers mots adressés par Marie aux deux bergers peuvent être interprétés dans ce mode là: « Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller le bras de mon Fils. Il est si fort et si pesant que je ne puis le maintenir... Depuis le temps que je souffre pour vous autres! Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans cesse, et pour vous autres, vous n'en faites pas cas... Le carême, ils vont à la boucherie comme les chiens... ».
Toutes ces récriminations, semblables à d'autres à l'usage dans cette époque là, semblent s 'opposer à la mission que Marie a reçue au pied de la croix, c'est-à-dire, d'accueillir ses enfants plongés dans la confusion du péché afin de les enfanter pour une vie nouvelle selon le désir de son Fils. Le poids du bras de son Fils n'a qu'une seule explication: les péchés dont Marie ne cite que quelques uns « le mépris du nom du Seigneur, la profanation du jour du Seigneur, l'abandon de la prière et de la pratique religieuse... ». La GS aide à lire ces réprimandes dans un langage plus actuel: « C'est en lui même que l'homme est divisé. Voici que toute la vie des hommes, individuelle et collective, se manifeste comme une lutte, entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres. Bien plus, voici que l'homme se découvre incapable par lui-même de vaincre effectivement les assauts de mal: et ainsi, chacun se sent comme chargé de chaînes » (5).
Dans son apparition, Marie aide Maximin et Mélanie à lire l'histoire de leurs contemporains pour y identifier les défis et les provocations de Dieu: « Si la récolte se gâte... si le blé tombe en poussière... si les pommes de terre pourrissent...si les noix deviennent vides... si les raisins sèchent...ce n'est qu'à cause de vous autres ». Elle va plus loin en faisant mémoire: « Je vous l'ai fait voir l'année passée par les pommes de terre, vous n'en n'avez pas fait cas...quand vous trouviez des pommes de terre gâtées, vous juriez, vous mettiez le nom de mon Fils au milieu ». Marie identifie les maux de ce temps là et dévoile les comportements des êtres humains face à leurs détresses: « vous mettiez le nom de mon Fils au milieu ». En ravivant la mémoire des ces données et des attitudes des gens, elle ne veut que provoquer la prise de conscience du besoin de sortir de l'immobilisme et de l'apathie: « Je vous l'ai fait voir l'année passée... et vous n'en n'avez pas fait cas » et, en même temps, assumer la responsabilité d'aller vers un changement courageux: « S'ils se convertissent, les pierres et les rochers deviendront des monceaux de blé et les pommes de terre seront ensemencées par les terres ». Marie nous remet donc au coeur de ce monde et au cœur de l'évangile: « Le Règne de Dieu est là, convertissez-vous et croyez à la Bonne nouvelle »(6)... « Cherchez d'abord le Royaume et sa justice, et tout le reste vous sera donné en plus » (7). Il ne s'agit pas d'aliéner notre liberté mais plutôt de « se soumettre », c'est-à-dire, de se conformer à la dynamique du Christ, d'accepter l'amour gratuit de Dieu et de l'aimer avec toutes nos énergies et toutes nos forces.
A partir de son visage maternel, deux choses étonnantes sont à prendre en considération:
a)- Le caractère éminemment concret de son message: Il y a une claire syntonie entre la façon de parler de Marie à La Salette, en faisant recours au langage rural typique du XIX siècle et celui de la Bible. L'un et l'autre nous apprennent à identifier la présence de Dieu au sein des réalités concrètes de son peuple. Rappelons-nous l'épisode de la terre du Coïn. Marie nous aide à découvrir, à travers les trames des événements de notre existence, la présence toujours discrète de Dieu qui « fait des merveilles » et qui est toujours fidèle à l'alliance qu'il a tissée avec son peuple.
b)- La force des larmes d'une maman: Mélanie affirma catégoriquement: « Elle a pleuré tout le temps qu'elle nous a parlé... J'ai bien vu couler ses larmes, elles coulaient, elles coulaient. Jean Paul II donne son interprétation à ces larmes: « Les larmes de Marie à La Salette sont à la fois le rappel de celles du Calvaire et le signe de son incessante tendresse à notre égard: elles disent son impuissance face à la gravité de notre refus de Dieu et de notre indifférence face aux réalités historiques »(8). Le refus de Dieu et l'indifférence manifestent l'urgence de la conversion: « Son amour maternel la rend attentive aux frères de son Fils dont le pèlerinage n'est pas encore achevé, ou qui se trouvent dans les périls et les épreuves » (9). Les larmes amoureuses de Marie montrent qu'elle est toujours attentive soit aux indifférences et aux péchés des êtres humains, soit à leurs soucis et à leurs espoirs historiques. Elles disent à quel point nous devons prendre au sérieux l'appel à la conversion! Le caractère maternel que Marie révèle à La Salette confirme sa maternité spirituelle et assure qu'elle a pris au sérieux la mission qu'elle a reçue de son Fils au pied de la croix. Comme mère, Marie nous achemine, sans cesse, à la Parole de Dieu, à la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, à l'Évangile souvent oublié...
J'ose donc affirmer que les larmes de Marie, face à la détresse de son peuple, indiquent qu'elle a le souci de toute personne en difficulté, qu'elle continue à croire dans le dynamisme de la foi et de l'amour. Elle, qui a vécu dans sa chair, les enjeux de son exil en Égypte, de la souffrance au Calvaire et de la résurrection de son Fils peut témoigner, à La Salette, de la beauté et de la bonté de l'être humain que décide de reprendre le chemin de la compassion et de la solidarité entre les humains, du respect de la création, de la communion avec Celui qui est le chemin à parcourir, la vie à vivre et la vérité porteuse d'espérance.
 
2.2)- La pédagogie terre-à-terre avec laquelle Marie s'adresse à Maximin et Mélanie: Marie s'adapte « au patois » des enfants et les éduque à lire les signes de temps à partir de la réalité qui les entoure: « le blé en poussière... les pommes gâtées... noix vides... les raisins pourris... les enfants morts dans les bras des leurs mamans... ». Tous ces éléments étaient familiers aux bergers. Ils connaissaient aussi les réactions de leurs contemporains: l'abandon de la pratique religieuse, de la prière et la méfiance vers Dieu. Donc des questions surgissaient: « Si Dieu est bon, pourquoi permet-il toutes ces choses? Serait-il un Dieu qui se venge des fautes des hommes? Pour plusieurs, Dieu est la cause de tous les maux... Voilà donc la raison de base que explique pourquoi les hommes font un mauvais usage du nom du Seigneur, abandonnent la messe dominicale et la prière journalière...
Marie, par contre, déclare: « Si la récolte se gâte ce n'est rien que pour vous autres. Je vous l'ai fait voir l'année passée... vous n'en avez pas fait cas ». En d'autres mots, Marie invite tous les êtres humains à examiner soigneusement leurs comportements, leur agir, leurs convictions... « C'est aux fruits qu'on connaît l'arbre » disait Jésus; « ce n'est pas ce qui pénètre dans le cœur de l'homme qui empoisonne son être, c'est le poison que l'habite qui empoisonne tout ce qui l'entoure », disait une pèlerine du nord du Brésil lors de sa visite au sanctuaire en 2007, après avoir médité le message de La Salette.
Marie à La Salette, se révèle une « pédagogue terre-à-terre » qui essaye d'éduquer les êtres humains à découvrir leurs responsabilités dans le présent de leur vie. Marie, n'est pas l'objet de dévotion, de culte, de pitié... Elle est, tout d'abord, une mère pédagogue qui partage les drames, les angoisses et les espoirs des enfants de Dieu dispersés dans cette « Vallée de larmes ». Elle aide, aussi, à identifier les manques dans nos vies qui empêchent une vie de communion heureuse. Elle, comme jadis aux noces de Cana, en indique les engagements conséquents pour surmonter les déficiences humaines en obéissant aux orientations de son Fils: « Faites tout ce qu'il vous dira ».
Marie, à La Salette, fait usage d'une pédagogie pastorale très répandue après le Vatican II: « VOIR, JUGER, AGIR ». Cette pédagogie suppose trois choses: La prise de conscience du vécu des gens dans un contexte très concret, juger celui-ci à la lumière de la Parole de Dieu et organiser des actions pour transformer la réalité à partir de la « Bonne Nouvelle ».
« Voir, Juger, agir » peuvent devenir les trois pieds d'une ascèse qui se croit chrétienne... La conversion dont parle Marie à La Salette présuppose la victoire de la vérité sur l'hypocrisie, de la bonté sur l'amertume, de l'amour sur la haine; bref, tout cela présuppose le courage de se laisser enchanter par la beauté de la vocation de tout être humain appelé à vivre en Dieu et pour Dieu.
2ème. Question: La méthode: « Voir, Juger, Agir » c'est un appel à la conversion dans notre pratique pastorale. Comment en faisons-nous l'usage de cette méthode?
2.3)– L'image de Dieu qu'elle dévoile: « N'avez-vous point vu de blé gâté, mes enfants?». « Non, madame! » « Mais vous, Maximin, vous devez bien en avoir vu une fois, au Coïn, avec votre père. Le maître du champ dit à ton père d'aller voir son blé gâté. Vous y êtes allés. Vous avez pris deux ou trois épis de blé dans vos mains, vous les avez froissées, et tout tomba en poussière. En vous retournant, quand vous n'étiez plus qu'à une demi-heure loin de Corps, votre père vous donna un morceau de pain en vous disant: Tiens, mon enfant, mange encore du pain cette année, car je ne sais pas qui va en manger l'an qui vient si le blé continue comme ça ».
Voilà la secret de la Salette: Monsieur Giraud, depuis longtemps avait abandonné la pratique sacramentelle et il était un assidu du bar placé en face de l'église. De ce lieu là, il se moquait de ceux qui allaient à la messe. Quand Maximin lui rappelle cet épisode, il se moque en disant « mon enfant, serait-il possible que la sainte Vierge puisse apparaître à toi en sachant qui est ton papa? ». Il enchaîne son enfant pour qu'il ne puisse pas sortir et dire des choses pareilles. Maximin donc lui dit: « Papa, elle m'a parlé de toi ». « Qu'aurait-elle dit ». Maximin donc lui rappelle l'épisode de la terre de Coïn. Monsieur Giraud n'a pas réussi à dormir cette nuit là. Le lendemain il demande à son fils de le conduire au lieu de la dite apparition. En y arrivant, Maximin lui fait part de ce qui s'était passé, il boit de l'eau de la source et il fût guéri de la maladie de l'asthme. Ce fût le premier miracle de La Salette. Monsieur Giraud donc change de vie et à partir de ce jour là il participe à la messe tous les jours.
Pour les contemporains de l'Apparition, habitués à concevoir Dieu comme le responsable des maux qui les entourent, Marie révèle un Dieu proche qui accompagne les hommes dans leurs drames quotidiens; un Dieu qui participe aux soucis d'un père de famille de nourrir son enfant dans un temps de détresse sans s'en tenir au fait que ce papa se moquait de Lui. Marie à La Salette, montre un Dieu qui aime surtout la brebis éloignée qui se moque de Lui; elle révèle un Dieu, « bon Berger », qui est toujours à la recherche de la brebis égarée... En faisant mémoire de cet épisode, Marie rappelle que Dieu, « riche en miséricorde » est toujours attentif aux détails de nos vies: nos luttes avec nos chutes et nos réussites, avec nos espoirs et nos désillusions...
La mémoire que Marie fait de l'événement de la terre de Coïn nous plonge dans le mystère d'un Dieu solidaire avec les hommes dans le plus concret de leur vie. Dieu est au cœur des gestes, des actions et des signes de solidarité, de mutualité et de communion entre les êtres humains, chrétiens ou non, assidus à la pratique sacramentelle ou non... Dieu est là comme compagnon de route, il fait chemin avec ceux qui ont le souci de la perfection et de la sainteté et pareillement avec ceux qui marchent sans se rendre compte de la valeur évangélique de tous les petits gestes vers les autres. Marie nous aide donc à cheminer vers une transformation personnelle, vers un dépassement de nos mesquineries, vers la cicatrisation de nos peurs et de nos préjugés paralysants. Marie, par le rappel de cet épisode, a réussi à hausser la vision que M. Giraud avait du monde et des hommes pour le rendre davantage capable d'entrer dans la connaissance et la sagesse du Père. Il comprend donc que chaque personne a sa place et ses responsabilités dans ce monde et que Dieu anime tous ceux qui s'engagent à être au service de la vie de tous. En partant d'un geste de solidarité très simple et presque banal, Marie nous apprend que tout geste accompli par amour nous défie à nous engager pour devenir « parfaits comme le Père est parfait ».
3ème question: Dieu et l'homme ont leur place dans l'histoire du salut. Comment vivons-nous le mystère de l'alliance dans le concret de notre vie?
 
3)- LA BEAUTÉ, LA BONTÉ ET LA VÉRITÉ, signes d'espérance.
Des questions sont souvent posées par les pèlerins: « pourquoi Dieu permet-il que le mal subsiste dans le monde? Comment concilier la beauté du crucifix lumineux que Marie porte sur sa poitrine avec une humanité parfois cynique et cruelle? Comment comprendre l'affirmation de Jean Paul II: « La Salette est un message d'espérance? »
Je crois que la beauté de Dieu révélée dans la résurrection du Christ s'oppose à l'horreur du mal qui n'est que l'anéantissement de la beauté. Celle-ci est toujours anéantie là où les fractures triomphent, là où la violence et la haine remplacent l'amour et l'assujettissement prend la place de la justice. Donc la question posée par Dostoevskij est d'actualité: Quelle beauté pourrait-elle sauver le monde? «La beauté que sauvera l'humanité est l'amour compatissant face à la souffrance » réplique le petit mourant Myskin (10).
Le Cardinal Martini nous rappelle: « A partir du mystère pascal, Dieu se révèle Père, Fils et Saint Esprit... Il s'agit donc d'entrer dans le mystère de la Sainte Trinité à partir du Fils... La Trinité n'est pas une théorie abstraite ou une série de dictons, mais c'est quelque chose qui nous habite et nous aide à nous laisser enchanter par le mystère divin. De ce point de départ, est-il possible se poser des questions sur le monde et sur l'histoire, sans la préoccupation d'avoir des réponses théoriques, mais pour nous laisser emballer par la passion d'amour et de miséricorde avec laquelle la Sainte Trinité créa le monde et le récrée, toujours à nouveau , pour le conduire à sa perfection » (11).
Marie à La Salette nous dévoile la corrélation entre la beauté et la suite de Jésus, entre la beauté et la rédemption. Selon l'Écriture, est « belle » la personne qui accueille et vive la Parole de Dieu. Jésus est le « plus beau de la race d'Adam » car il a obéi constamment à la volonté du Père: «Ma nourriture c'est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et de mener à bien son œuvre » (12)... car « celui qui m'a envoyé est avec moi; il ne me laisse jamais seul car je fais toujours ce qui lui est agréable» (13). Marie est « la plus belle des femmes » (14) car elle a toujours dit « OUI » à Dieu (15). C'est comme telle que Marie se présente à La Salette: toute prête à accomplir la volonté de son Fils et à nous rappeler à accepter les exigences de l'Évangile. La dévotion mariale se transforme dans une opportunité de se laisser émerveiller par la beauté spirituelle, qui se manifeste par la croix lumineuse du Christ qu'elle porte sur sa poitrine.
C'est vrai que la compréhension qu'on a souvent de la Croix du Christ et de celles de nos vies peut nous emprisonner dans une logique de mort et de destruction, dans une dynamique du néant et du non-sens... La Croix lumineuse est un appel à identifier, dans les luttes pour la libération des esclavages présents dans notre monde, des rayons d'espérance et des chaînes de petites lumières qui illuminent la vocation de tout homme à vivre, en Dieu et pour Dieu, l'amour vers tous les humains.
4ème question: Quels signes d'espérance pouvons-nous susciter à partir du message de La Salette?
 
4)- Quelques Conclusions:
4.1) - La beauté et la bonté rayonnées par Marie auprès de Jésus, de Joseph et du peuple de son temps, disent de la vérité de son attachement à Dieu et de son amour maternel vers toutes les générations. Dans son apparition à La Salette elle nous invite à valoriser les choses communes et simples de telle façon que les comportements simples et humbles de notre histoire deviennent une fenêtre ouverte vers l'horizon de Dieu. Un horizon ouvert aux réalités de notre temps pour les accueillir et pour les transfigurer pour l'éternité.
4.2)- La personnalité de Marie, ses actions, ses prières, ses paroles... à Nazareth, à Jérusalem, à La Salette, à Lourdes, à Fatima..., conduisent au Christ. Hier, aujourd'hui et toujours, elle exhorte à la persévérance, à la joie et à l'espérance: « Tu as cru, toi, en l'accomplissement de ce que le Seigneur t'a fait dire: heureuse est-tu »(16). Par ses actes, son silence, ses paroles, et sa souffrance... elle a fait du Christ le Seigneur de sa vie et a proclamé sans cesse qu'il était la source de son espérance. Cette certitude a conduit Jean Paul II a affirmer que « La Salette est un message d'espérance »(17) . Le peuple de Dieu, souvent désenchanté par la réalité qui l'entoure, continue à proclamer que Marie est le plus convaincant exemple d'une femme capable de croire, contre toute espérance, à la réalisation des promesses de Dieu. Marie, la toute belle, nous aide à découvrir le sens le plus profond de la sainteté et de la fidélité sans failles; son agir n'est que bonté car elle se révèle une mère compatissante face aux péchés et face aux détresses de tous les frères de son Fils; sa prière et son agir ne sont que l'expression de la vérité de son « OUI » à la volonté de Dieu.
4.3)- Au long du temps et, aujourd'hui encore, on constate que des hommes et des femmes de toutes races et de tous horizons culturels, à partir du message de La Salette, se sentent appelés à re-découvrir, en son Fils Jésus, la valeur de la beauté qui sanctifie, de la bonté qui bâtit la communion et de la vérité qui conduit à la soumission amoureuse au Père. Ces valeurs permettront aux hommes de bonne volonté de s'aventurer sur des chemins de conversion, d'approfondissement de la foi, de renforcement du dynamisme quotidien pour discerner, toujours à nouveau, les raisons de leur engagement avec et par le Christ au service de «de tout homme et de tous les hommes».
 
 
Notes:
1)- Bruno Forte, Santità Trinitaria del Sacerdote, Conférence au Congrès Sacerdotale, Malta Octobre, 2004.
2)- H.U. Von Balthazar, La percepzione della forma; una estetica teologica, Jaca Book, Milano, 1975, p. 11.
3)- P. Florenskij, Amore e Bellezza, in Cristianesimo e bellezza)
4)- Cf. Jn 19, 25-27).
5)- Gaudium et Spes, n. 13.
6)- Mc 1, 15
7)- Mt 6, 33
8)- Jean Paul II, Lettre du 150ème anniversaire de l'Apparition de La Salette.
9)- Lumen Gentium, n° 62
10-Cf. F. Dotoesvski, L'Idiota, Milano 1998, p. 645.
11)- C. M. Martini, Quale bellezza salverà il mondo? Lettera Pastorale 1999-2000, Centro Ambrosiano, Milano 1999, p. 21-22.
12)- Jean 4, 34 - 13)- Jean 8, 29).
14)- Cantiques 1,8)
15)- Luc 1, 38; 8, 21; 11, 28).
16)- Luc 1, 45.
17)- Jean Paul II, Lettre du 150ème anniversaire de l'Apparition de La Salette.
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