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"LE CRI DES PAUVRES"

LE CRI DES PAUVRES

Lors du Chapitre Général de l’année 2012, nous n’avions pas l’idée qu’au bout d’un an nous aurions eu un nouveau Pape. Donc il n’était pas possible de savoir, quand nous avons décidé de déclarer 2015 « L’année de Réconciliation, Justice et Paix » que le nouveau Pape aurait en même temps déclaré 2015 « l’année de La Vie Consacrée ». Au commencement ça semblerait nous amener vers une autre direction. Cependant, une réflexion ultérieure suggéra que ces deux thèmes ne sont pas en contradiction ou des pistes différentes, surtout si nous croyons que tous les deux, le Chapitre Général et le Conclave sont l’œuvre de l’Esprit Saint. Il y a trois « objectifs » mentionnés dans la proclamation pour l’année de La Vie Consacrée; le premier est pour rendre grâce pour le passé immédiat (50 ans depuis Vatican II) de la vie consacrée dans la vie de l’église. « L’Esprit peu tourner même les faiblesses et les infidélités en expérience de l’amour et de la miséricorde de Dieu. »

Et donc, nous commençons avec l’Esprit. Nous, les Missionnaires de La Salette, venons juste de vivre un an sous le titre de « L’Esprit renouvelle la face de la terre ». (Ps. 104, 30). Cette déclaration nous appelle à reconnaître le travail de l’Esprit, qui renouvelle, reforme, recrée, le monde d’aujourd’hui, comme, jadis, l’Esprit était le premier à travailler comme un « Vent puissant » qui planait sur les eaux de la création. (Gen. 1.2) Cette année qui vient nous invitons notre Congrégation, les laïcs salettins, et le peuple de Dieu que nous servons, à entendre le cri des pauvres. Nous le faisons en sachant bien que Dieu entend le cri des pauvres. « Le Seigneur se tient tout proche de ceux qui ont le cœur brisé et il sauve ceux qui ont l’âme en peine.»(Ps. 34 :19) « Car le Seigneur entend le cri des pauvres, et les siens qui sont en esclavage, il ne les méprise pas. »(Ps. 69 :34) et puis ce texte très clair du livres des Proverbes (21 : 13) « Celui qui n’écoute pas le cri des pauvres, lorsqu’il appellera lui-même, restera sans réponse.» Ce n’est pas seulement ce cri qui est probablement l’œuvre de l’Esprit (voir Romains 8,26-27) mais aussi l’existence (et le renouveau) de la vie consacrée (Cfr. Perfectae Caritatis, esp. #1 & 2).

La scène est donc prête pour la reconnaissance du lien entre « justice, paix et réconciliation » et « la vie consacrée », précisément parce que l’Esprit est au travail dans les deux domaines. Le troisième but pour l’Année de la Vie Consacrée, c’est « vivre le présent avec ardeur ». Ce document utilise la pensée du Pape François « d’Eveiller le monde » avec notre témoignage prophétique comme religieux, surtout par notre présence parmi les pauvres habitant les « périphéries existentielles » de la vie. Etant donné que le Pape a fréquemment appelé toute l’Eglise à évangéliser les pauvres, de regarder la vie en partant de la perspective des pauvres, et de se permettre d’être évangélisés par eux, ces appels sont en effet plus appropriés à tous ceux « qui ont laissé tout » pour suivre le Christ. Le document publié par la Congrégation des Religieux (CIVCSVA) en vue de l’an prochain, cite le Pape François : « Nous sommes appelés maintenant, comme Eglise, de sortir dehors pour arriver aux bords géographiques, urbains et existentiels, - aux marges du mystère du péché, de la douleur, de l’injustice et de la misère - aux coins cachés de l’âme, où chaque personne expérimente les joies et les souffrances de la vie. (pp,50-1), Le point est que peut-être nous n’avons pas besoin d’aller trop loin pour arriver aux périphéries. Désigner ces périphéries requiert une réflexion personnelle et communautaire.

Nous, les Salettins, n’avons pas une longue histoire de travail dans le domaine de Justice et Paix, comme nos confrères d’autres Instituts. Cependant, quand nous percevons que les valeurs de Justice et Paix sont au cœur de l’Evangile, une transformation arrive, qui nous permet de voir que ces valeurs se trouvent dans la façon où Jésus a proclamé le Royaume de Dieu. Nous voyons que « l’enseignement social » de l’Eglise n’est pas une digression, mais il découle directement de son engagement avec Jésus et l’évangile. Cette perspective nous guidera à considérer ces mêmes valeurs activement présentes dans nos Constitutions et dans la mission qui a été confiée à nous les salettins. Faisant partie de notre patrimoine, nous avons la phrase, « combattre les maux du jour » comme une façon de comprendre notre mission. Le P. Eugene Barrette a très bien fait de mettre en vie cette portion de notre histoire pour nous. Il serait peut-être utile de nous demander, quels sont « les maux du jour » de notre temps ? Quels sont les situations qui provoquent « le cri des pauvres » ? Ou bien, comment le Pape François pourrait nous demander, « quelles sont les périphéries où le peuple souffre? » Comment pratiquons-nous la « lutte » dans ces lieux ?

A La Salette, la Belle Dame n’a jamais utilisé les mots « justice » ou « paix ». Elle n’a pas utilisé non plus les mots « réconciliation » ou « Esprit ». Ça ne veut pas dire que son message est tout autre. Dans son exhortation apostolique, Evangelii Gaudium, le Pape François écrivit : « Nous faisons nôtre le devoir d’écouter le cri des pauvres quand nous sommes profondément émus par la souffrance des autres » (193). Marie est présente à La Salette comme celle qui est profondément émue par les souffrances de son peuple. Notre Dame est amenée à pleurer par la pensée de son peuple portant dans leur bras les enfants qui meurent. Elle pleure, en sachant que quand ils leurs voudront donner du pain aux enfants, ils ne trouveront que poussière. Peut-être pleure-t-elle plus abondamment parce que la situation aurait pu changer, si le peuple avait laissé Dieu entrer dans leur vie. Nos confrères (je pense aux P. Roger Castel, Marcel Schlewer, et Maurice Tochon, parmi d’autres) ont fait du bon travail à faire connaître les situations sociales en France au temps de l’Apparition. La « famine » qui est survenue dans le temps n’était pas partout. Les morts et les souffrances qui en résultaient auraient pu être évitées si le gouvernement avait agi. Il a choisi de ne rien faire, tandis que les peuples d’autres régions amassaient les provisions. Il fallait encore quelque dizaines d’années pour que les doctrines sociales de l’Eglise commencent à être articulées d’une façon systématique; cependant, la situation à La Salette et ses environs n’était certainement pas selon l’esprit de l’Evangile, ni selon la vision de l’Eglise apostolique.

Dans Jacques 5 :4 nous lisons : « Voilà, que le salaire dont avez frustré les travailleurs qui ont moissonné vos champs, crie, et les cris des moissonneurs sont parvenus aux oreilles du Seigneur des cieux. » Une image de ceux qui mènent les charrettes a La Salette, montre une charrette pleine de grains. Peut-être il ne sera pas exagéré assimiler ceux qui mènent les charrettes a La Salette avec les moissonneurs de Jacques. Le Seigneur a certainement entendu leurs jurements, comme nous le dit Notre Dame. Cependant, peut-être ceux qui mènent les charrettes étaient des victimes aussi bien que des pécheurs. Quand nous demandons pourquoi ils juraient, ne serait-ce pas à cause des salaires très minimes ? Ou peut-être parce que leurs charrettes portaient des produits dont leurs familles n’en profiteront jamais. Le point primordial ici est celui-ci : Bien avant que Léon XIII publie Rerum Novarum, l’Eglise avait déjà connaissance de l’injustice sociale car en effet l’évangile nous avait déjà donné la clé pour pouvoir entendre le cris des pauvres.

Nous sommes appelés à entendre le cri des pauvres par notre Foi Chrétienne (Evangelii Gaudium, 191), et en plus par notre vocation à la vie consacrée. Notre patrimoine salettin nous donne une perspective particulière sur cet appel, parce que nous avons Notre Dame comme modèle du « souci divin » pour son peuple. En écoutant le cri des pauvres, nos Constitution sont à même de nous donner des indications pour arriver à y répondre. « Nous inspirant du message de Notre-Dame à La Salette, nous appliquons nos efforts ……à la lutte contre les maux qui, aujourd’hui, compromettent le dessein salvifique de Dieu et la dignité de l’homme. » (Regle de Vie n. 23). Dans les Normes, le n. 39cp indique que « la haine, la violence, et l’injustice » sont des réalités que « chaque missionnaire de La Salette doit travailler à éliminer ». Une relecture de ces sections de notre Règle avec un cœur attentif à l’injustice sociale et au cri des pauvres nous aidera à formuler des réponses adéquates dans les lieux où nous nous trouvons. Nous pouvons commencer, peut- être, en criant vers Dieu depuis notre propre pauvreté, sachant que Dieu entend aussi nos cris :

Le deuxième but spécifié pour l’année de la Vie Consacrée est « accueillir l’avenir avec espérance ». Sans l’espérance, il n’y a pas un avenir à accueillir. Notre solidarité avec les pauvres et avec ceux qui sont dans les périphéries nous rendra capables de témoigner de la présence de Dieu parmi eux. Là où Dieu se trouve, l’espérance est en abondance. Nous, Salettins, avons cette vision d’espérance à offrir : une vision d’abondance de blé et de pommes de terre, une vision des cœurs convertis, une vision d’un monde qui, finalement, peut vivre dans la Justice et la Paix.

 

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